
Rafa.
No Legend, Rafa is.
Alors que 2024, année de jeux olympiques et de joies sportives mémorables, brille de ses dernières lumières, voici l’heure de saluer celui qui, pour moi, l’a irrémédiablement marquée, comme il aura imprégné de sa superbe les vingt dernières années.
Bien sûr, le palmarès. 92 titres.
22 titres en grand Chelem : 14 Roland Garros, 4 US Open, 2 Open d’Australie, 2 Wimbledon.
5 Coupe Davis, 2 médailles d’or aux jeux olympiques.
63 titres et 91% de victoires sur terre battue ; 112 victoires pour 4 défaites à Roland Garros.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, mais Rafael Nadal est bien plus que ça. Par sa modernité, son jeu atypique et son incroyable rage de vaincre, il s’est imposé comme l’un des plus grands joueurs de sa discipline et de la scène sportive.
J’ai toujours aimé le sport, le dépassement de soi, l’adrénaline et la ferveur des grands rendez-vous. Parmi eux, le tennis, la Coupe Davis … et Roland Garros.
Je me suis réjouie du sacre d’André Agassi en 1999, émue des victoires de Guga, j’ai souvent apprécié y voir espagnols et argentins dont le jeu se prête si bien à la terre battue, surface exigeante, de celles qui livrent - pour moi - les plus belles vibrations.

2005, troisième tour. J’allume ma télévision pour y suivre le « petit Mozart français », Richard Gasquet. Rapidement, je me retrouve subjuguée par son adversaire que je vois courir de long en large sans s’épuiser, ramenant toutes les balles dans le court. Il a de l’allure, de la fougue et une puissance qui en imposent. Je ne vois plus que lui sur le terrain. Le jeune espagnol gagne le match, puis s’impose face à un autre français, Sébastien Grosjean, avant de battre son compatriote David Ferrer puis Roger Federer, n°1 mondial, en ½ finale. Pendant cette quinzaine, Rafael Nadal ne perdra qu’un seul set en finale. Le 5 juin 2005, pour sa première participation, il s’offre à 19 ans sa première Coupe des Mousquetaires face à Mariano Puerta et crée la sensation sur le court Philippe Chatrier. Impressionnant.
Dès lors, je n'ai cessé de suivre son parcours ni manqué une quinzaine des Internationaux de France.
J’ai tout de suite aimé Rafa : son style, son intensité, sa vélocité et son sourire généreux. Tout, jusqu’aux rituels si caractéristiques du joueur : l’alignement de ses bouteilles, le réajustement de ses vêtements et de ses cheveux avant de servir, cette manière unique de retracer les lignes blanches… tous ces tics n’étaient pour moi que le signe de sa concentration et de sa détermination absolue.
N’est-ce pas aussi dans le détail que se forgent les grands Champions ?
Si aujourd’hui tout le monde s’accorde à reconnaître son immense carrière, ses premières années sur le circuit professionnel n’ont pourtant pas toujours été simples.
Rafa est un combattant. C’est probablement la raison pour laquelle je l’admire tant : pour sa pugnacité, sa résilience et son incroyable force mentale maintes fois éprouvée.
Alors que tous saluent la technique et l’élégance de Roger Federer, le majorquin se voit souvent réduit à une caricature de monstre physique qui ne tiendrait pas sur la durée. Qu’importe. Il continue de travailler, encore et encore, et ne s’économise jamais. Roi de la terre battue, il a su développer son jeu et se hisser au plus haut niveau sur toutes les surfaces, s’offrant un doublé Roland Garros / Wimbledon et une médaille d’or aux jeux olympiques en 2008, devenant au fil des années l’un des joueurs les plus techniques et complets du circuit.
Le public français, agacé de le voir gagner et contrarier la suprématie de Federer, ne lui réserve pas toujours le meilleur des accueils non plus. Il faudra attendre plusieurs années et des moments de fragilité pour que ce dernier réalise que le géant espagnol est, lui aussi, faillible.
Rafael Nadal est un conquérant.
Plus que contre ses adversaires, j’ai le sentiment qu’il s’est toujours battu contre lui-même et ce corps endolori qui l’a contraint dès le début de sa jeune carrière. Rafa s’est construit dans l’adversité, puisant sa force dans sa ténacité et une capacité hors norme à se dépasser, à aller au bout de lui-même et de la douleur. Il ne s’est jamais résigné, repoussant toujours ses limites. Monstre de résistance et de persévérance, à l’image de son attitude sur le court, jouant toutes les balles, une par une, point par point ; jouant le coup supplémentaire s’il le fallait, là où ses opposants se seraient déjà arrêtés de courir.
Rafael Nadal a toujours gagné avec son clan, mais perdu seul. Il a toujours assumé la responsabilité de ses défaites, sans se chercher d’excuses. Irréprochable sur le court, il n’a jamais cassé une raquette ni contesté les décisions arbitrales, il rend les points gagnants à ses adversaires et les applaudit en sortie de court. Rapidement, le majorquin s’affirme comme l’un des joueurs les plus fair-play du circuit, reconnu de tous pour sa gentillesse et son humilité, sur et en-dehors des courts.
Plus que par ses trophées, c’est par son esprit combatif, son attitude et ses valeurs humaines qu’il réussira à conquérir définitivement le cœur du public, qui ne le quittera plus.
2022. De retour de blessure, Nadal crée la surprise en remportant l’Open d’Australie. Une victoire aussi inattendue que libératrice, le champion exulte sur le court et crée l’émotion générale. La même année, dans une ½ finale titanesque, Sascha Zverev se blesse lourdement et lui ouvre les portes de la finale : Rafa remporte alors son 14ème titre dans son jardin de terre battue. Colossal. Pour glaner ses victoires, le champion espagnol aura puisé dans toutes ses ressources, allant bien au-delà de ce que son corps pouvait encore endurer. Enchaînant les blessures et malgré toute sa volonté, Rafa ne retrouvera plus les conditions physiques lui permettant de revenir à son juste niveau.
Vivement espéré par le public parisien pour un « dernier au revoir », Rafa annonce sa présence aux Internationaux de France en 2024. Il s’incline au 1er Tour face à Zverev, comme un symbole. Cette même année, comme un passage de relai, l’espagnol Carlos Alcaraz remportera son premier Roland Garros, avant de disputer à ses côtés le double aux jeux olympiques de Paris 2024.
Avant qu’il ne prenne sa retraite, reconnaissance majeure de son immensité, Paris 2024 le fait porteur de la flamme olympique. Si fière. Certainement l’une de mes plus vives émotions lors de la cérémonie d’ouverture des JO lorsque, dans un lien de fraternité éternelle, Zinedine Zidane lui transmet la flamme, 19 ans après lui avoir remis sa première coupe des mousquetaires.
Bien au-delà de son palmarès, Rafa est de ceux qui ont révolutionné le tennis. Exemplaire et inspirant, il en est l’un des plus grands ambassadeurs. Admiré et reconnu par ses pairs et la profession, par les jeunes générations, et la scène sportive internationale pour ses exploits sportifs, son mental d’acier et son incroyable humilité.
L’arrêt de sa carrière professionnelle le 19 novembre dernier marque la fin d’une époque.
Si le majorquin a forgé sa propre réussite, il faut bien reconnaître que l’histoire n’aurait pas la même densité sans Federer et Djokovic, et la domination de ce « BIG 3 » pendant plus de deux décennies. Rafa en est pour moi la pierre angulaire : d’abord, en ayant défié la suprématie du Suisse alors n°1 mondial incontesté et favori du public ; puis, en s’imposant comme le plus grand rival du Serbe. Attendues de tous à chaque tournoi, leurs oppositions n’ont cessé de dominer le tennis mondial. Tous trois se sont mutuellement challengés, contraignant chacun à repousser ses limites et donner le meilleur de lui-même. Entre eux, il n’y a jamais eu de victoires faciles. C’est une chance d’avoir pu assister à ces matchs de titans, explosifs et intenses. A la lumière de ces confrontations, leurs records n’en sont que plus impressionnants ! Et si à l’aune de son palmarès, Nole est probablement le plus grand joueur de l’Ere Open, aux battements de cœur, FEDAL reste sans conteste maître de cette domination. Transformant leur rivalité en une amitié sincère au fil du temps, Nadal et Federer ont sans doute écrit la plus belle page de l’histoire du tennis, et scellé leur belle histoire dans l’Histoire. L’image de ces deux-là en larmes main dans la main lors de la retraite de Federer en est le témoin.
Bien sûr, la relève est là. Sinner, Alcaraz, Zverev, Ruud, Musetti, Fonseca… mais à l’heure où Rafa range sa raquette, je ne serai pas surprise que Djokovic ne s’amuse plus si longtemps sur les courts. Une véritable page qui se tourne…
Si la scène sportive ne manque pas d’athlètes multi récompensés et emblématiques, Rafa est de loin celui que j’ai le plus suivi, aimé et admiré. Pour son charisme, son humilité et son esprit combatif. Pour sa détermination inébranlable et sa résilience. Pour ce « petit supplément d’âme » qui le distingue des autres. Plus qu’un champion, une légende. Ma Légende.
Pendant vingt ans, je l’ai suivi et me suis émue de ses victoires, comme de ses détresses. Touchée par l’émotion qui l’étreignait, le sourire embué, à chaque fois que résonnait l’hymne espagnol pour couronner ses victoires. Heureuse de le voir croquer l'oreille de chacune de ses coupes.
Sans son Roi, Roland Garros ne sera plus tout à fait le même tournoi.
Si tu n’es « qu’un enfant de Majorque qui a poursuivi ses rêves et accompli plus qu’il n’aurait jamais imaginé », je ne suis qu’une jeune française qui a aimé vibrer à tes côtés et s’émouvoir de chacune de tes réussites.
Pour les valeurs, pour les sourires, pour les émotions, MERCI.
Gracias per todos.
VAMOS.
📸 Corinne Dubreuil.